LOUISE ATTAQUE

A plus tard crocodile ressemble plus à du Tarmac qu'à du Louise Attaque. La petite intro La traversée du désert, suivie de Revolver, est du plus bel effet. Bien sûr, le style est beaucoup moins minimaliste que sur les premiers albums, ça manque un peu de guitare électrique, mais l'ensemble reste intéressant et donne envie d'écouter l suite. Le court Shibuya Station confirme la diversification du son, et Sean Penn, Mitchum représente la grande claque de l'album : une ballade à la manière de La plume, un refrain mélancolique et entêtant, des instrumentations épurées, et des textes attestant d'un Gaëtan Roussel au meilleur de sa forme... Magnifique. Evidemment, un tel niveau s'avère délicat à maintenir. J'en veux pour preuve la suite de l'album : tous les titres ou presque oscillent entre ballades à la Louise et chansons à Tarmac... L'énergie rock n'est présente que très épisodiquement (quelques guitares électriques discrètes sur Manhattan, Si c'était hier, et les explosifs Oui, non et Oui, non, encore) et laisse place à des instruments diversifiés, à un chant aux résonances très proches du chant de Gaëtan avec Tarmac, à des tempi amples et à une sorte de langueur ambiante... Bref, la plupart des titres auraient pu trouver leur place dans un album de Tarmac, ce qui plaira sans doute à certains, mais laissera les amateurs du rock de Louise Attaque sur leur faim...

Le violon a toujours tenu une place importante dans la musique de Louise Attaque, et a su rester présent sur A plus tard crocodile : de façon classique comme sur Nos sourires, ou bien de manière plus innovante, plus chantée, avec un son plus rond et moins agressif. Pour ce qui est des riffs ou des thèmes au violon, difficile de faire plus efficace : ceux de Si c'était hier (premier single), Si l'on marchait jusqu'à demain, Salomé, Nos sourires et Ca m'aurait plu - pour ne citer qu'eux - sont irréprochables. On leur préférera des titres en apparence moins accrocheurs mais qui séduisent par leur mélodie et la sensibilité qui s'en dégage : Depuis toujours et sa guitare acoustique, See you later aligator et ses jolies paroles accompagnées d'une jolie voix féminine, Est-ce que tu m'aimes encore et ses étranges sons électroniques. La valse constitue également une bonne surprise, conviant piano et rythme ternaire lancinant, rappelant le concept de La ballade de basse sur l'album Comme on a dit. Certains titres de ce long album (18 pistes en tout !) semblent être superflus, à l'image du  long A l'envers (qui n'a rien d'un titre de Louise Attaque et tout de Tarmac) et du  répétitif La nuit.

A vous de juger

Petit historique

Sans prévenir, bousculant les habitudes d’une intelligentsia rock bien-pensante et ronronnante, la Louise Attaque s’est abattue sur la un beau jour d’avril 1997. Robin Feix (basse), Alexandre Margraff (batterie), Gaëtan Roussel (chant et guitare) et Arnaud Samuel (violon) se souviendront longtemps de cette aventure où les épisodes se sont enchaînés très vite : les concerts dans tous les coins de l’hexagone, le passage au Printemps de Bourges qui a été le premier symbole d’une reconnaissance professionnelle, la sortie du studio le 26 février, le concert le lendemain à la Laiterie à Strasbourg pendant que le mastering commençait, la sortie du premier album, l’enthousiasme des radios associatives, les chroniques positives des journalistes de « Libé » mais aussi les réticences de quelques media « importants » comme ce grand hebdo culturel qui refuse de chroniquer le disque, le bouche à oreille qui a le dernier mot en faisant grimper les ventes à vue d’œil, plus tard les grosses radios nationales qui ne peuvent plus ignorer le phénomène et qui prennent le relais, le disque d’or, le disque de platine, le disque de diamant, le groupe étant finalement sacré phénomène du rock français au même titre que Téléphone pour la génération  précédente !

Louise Attaque est au départ un groupe de scène. Sa formule toute simple, basée sur des textes qui font mouche et une musique folk-rock originale et immédiate, parle au plus grand nombre. Authentique, basée sur une spontanéité contagieuse, elle se rattache au courant indépendant qui a enfanté des groupes comme La Mano Negra, Passion Fodder, Noir Désir ou Zebda, mais son intégrité se rattache aussi au mouvement alternatif américain dont les Violent Femmes sont les meilleurs représentants. Entre eux et les Louise, la parenté ne se résume pas à un cousinage de noms de groupes mais à de véritables liens de sang : approche artistique et honnêteté culturelle, au sens le plus large du mot. Il est donc très logique que Gordon Gano, l’un des piliers des Violent Femmes, et Warren Burleigh, leur ingénieur du son, aient servi en studio de catalyseurs à la musique de Louise Attaque qui elle aussi incorpore tout un patrimoine basé sur la chanson, le folk, le blues et la country.
La volonté, la sensibilité et l’authenticité sont les fers de lance de cette démarche, avec une façon de travailler très pensée et une attitude qui génère un énorme capital de sympathie et qui parle à tout un public fatigué par les recettes convenues, les plans marketing outranciers et des media de moins en moins curieux. Les fans sont plutôt jeunes, ils se recrutent d’abord dans les lycées et les bars étudiants, et d’une façon plus large il est facile de les rapprocher d’une identité plutôt de gauche, à la recherche d’autre chose.

Presque dix ans après leurs débuts, les Louise restent un jeune groupe (ils n’ont « que » trois albums à leur actif…) mais ils ont acquis une sagesse et une expérience de vieux routiers. Revendiquant une normalité voire un anonymat, ils ont construit très tôt autour d’eux un entourage solide basé sur l’amitié où le personnage central est leur manager Yann Hamon (qu’ils ont « volé » à Miossec !). Ils ont eux-mêmes organisé leur une séparation temporaire pour conserver une certaine distance par rapport à une « success story » qui aurait pu les anéantir. Quant aux expériences parallèles de Tarmac et Ali Dragon, elles ont contribué à cimenter une carrière atypique qui est loin d’être terminée.

Discographie du groupe 

Louise Attaque 1997         Comme on dit 2000          A plus tard crocodile 2005